D'un merveilleux modeste

 

 

I. − Au dos d'une feuille technocrate
j'inscris ces notes
désintéressées
à l'intention d'une
fille des montagnes
dont j'aime les mains

 

II. − Incliné sur la mort, je
sens monter le printemps
dans mes os d'hiver
et je me dis qu'il y a
des femmes très belles que je n'
aurai jamais
Mais il suffit d'une, il suffit
d'être bon et bête
comme cela

 

III. − Il arrive
que le matin je sois seul
chacun est parti au travail
je m'occupe, je fais
le ménage, la cuisine, un peu de linge, les lits
je m'occupe selon l'ancien
rite des femmes
et j'aime ma vie

 

IV. − O simplicité du bonheur
si n'existe l'orgueil
si les mains
sont premières

 

V. − En finir, disais-je
avec l'orgueil
mais quoi j'oubliais
l'humilité, l'odieuse humilité
il faut les tuer en même temps
et ainsi pénétrer dans
les temps messianiques (???)

 

VI. − Je proclame la fin du couple
c'est-à-dire la fin
du règne du maître et de l'esclave
sans préjuger s'il s'agit de l'homme, certes
ou de la femme

 

VII. − Personne plus que moi n'aura aimé
la solitude
j'avoue cela
au temps des communautés
du dialogue
des manifs
personne plus que moi
n'aura aimé
le calme de l'être

 

VIII. − Ont couvert de cailloux le pré
pour être bien
en paysage humain
Peindront-ils, me dis-je
les sapins, les vaches
les serpents
d'humaines couleurs pour vivre

 

IX. − Maison en allumettes
qui craque au moindre geste
maison qui trahit l'amour
maison prête à flamber
si tu venais

 

X. − Un malaise me poursuit
la nuit, et je
me sens très fragile
à peine accroché pour un jour ou deux
alors qu'immédiatement
il faut faire tant de choses

 

XI. − Cassitérite
dont j'emplis mes poches
afin de me sentir riche
de science, car
la science
est une religion qui donne
et ne demande rien

 

XII. − Les clarines viennent jusque
dans le chalet, jusque
dans notre coeur
qui se met à sonner
à brinqueballer
pour la vie, pour la mort

 

XIII. − Le facteur, l'angoisse
quelle étonnante combinaison de panique
et d'un homme simple qui n'a pas peur
même d'une vipère