Le charivari

 

 

Croyez-vous que les portes se borneront à leur rire d'huîtres vidées, les fenêtres à leur aveuglement concerté ? Et qu'il suffira qu'un scarabée remue l'antenne droite pour mettre aux fers toute une demeure ? Pensez-vous que nous retiendrons notre souffle et ne laisserons rien filtrer de notre colère, rien suinter de notre chagrin immense ? Musique d'hommes que l'on ne peut interdire, et qui plante ses échardes loin au fond de la chair coupable. Musique de cercles d'âge, musique de cercles d'oiseaux de proie, attentifs à ne rien oublier. Et puis, on n'oublie pas. La vie n'oublie pas. Il n'y a pas d'oubli. Toujours une arête se met en travers et rallume la fête ancienne, toujours une femme se met à crier et appelle son bonheur d'autrefois, toujours un enfant se met à parler et demande innocemment ce qui fait sa force et sa douceur. Toujours la suavité du printemps prend la forme d'une chevelure, toujours la dureté d'un hiver se cintre autour d'un front étroit. Qu'importe si l'on a choisi, encore faut-il que le choix inverse se détache et tombe. Ici les os sont rudes et résonnent terriblement. Musique d'hommes indélébiles qui refusent la dégénération. L'impossible inexistance.