II) Historique Parmi les premiers travaux mathématiques sur la phyllotaxie, il faut citer ceux de K. Schimper et A. Braun (1835), des frères A. et L. Bravais (1837), et de G. van Iterson (1907), qui constituent la base des connaissances actuelles. Ces auteurs ont étudié minutieusement les structures végétales hélicoïdales ou spiralées ; van Iterson a, le premier, tenté de comprendre leur lien profond avec la suite de Fibonacci : nous en reparlerons. Son travail a été repris et développé, en 1983, par Erickson. Une idée, proposée d’abord par W. Hofmeister puis reprise par M. et R. Snow, est très souvent mise en avant : c’est le principe de la première place disponible, qui s'appuie sur l'observation des bourgeons, et plus particulièrement de la minuscule zone active qui se trouve en leur centre : le méristème, et, plus précisément encore, de l'extrémité (ou du centre) de ce méristème : l'apex. Dans le cas d'un méristème apical caulinaire (MAC), on peut étudier la formation des futurs organes (feuilles, fleurs...) dès leur apparition, au stade indifférencié de primordium. Les primordia se forment à intervalles réguliers (le plastochrone), à la même distance du centre de l'apex (donc sur un même cercle) ; ensuite ils se développent rapidement, tout en s'éloignant progressivement de l'apex. Selon le principe de la première place disponible, un nouveau primordium apparaîtrait sur le cercle chaque fois que les primordia précédents auraient libéré une place suffisante. Par la suite, d’autres théories ont été proposées : entre autres, celle de Irving Adler (1977), reprise par Roger V. Jean (1983), qui est basée sur la notion de pression de contact, et sur laquelle nous reviendrons. Plus récemment (1992), une percée spectaculaire a été réalisée par les physiciens S. Douady et Y. Couder, grâce à une expérience originale : ils déposent des gouttes de ferrofluide dans une coupelle, à intervalles réguliers ; un champ magnétique fait migrer ces gouttes vers la périphérie de la coupelle ; dans le même temps, elles exercent entre elles une force répulsive. Dans certaines conditions (accélération du rythme de la chute des gouttes) ils obtiennent des spirales similaires aux spirales végétales, avec sélection des nombres de Fibonacci. Mais nul ne sait si le mécanisme à l’œuvre dans cette expérience est le même que celui qui structure les bourgeons des végétaux ; quant à l’explication mathématique, elle est activement recherchée, mais reste partiellement mystérieuse. Une idée très naturelle, actuellement en cours d’étude, est la suivante : les forces répulsives en jeu dans cette expérience physique pourraient être remplacées, chez les plantes, par un processus chimique. On a imaginé que chaque primordium pouvait diffuser des substances inhibitrices, capables d’empêcher l’apparition d’un nouveau primordium dans son voisinage immédiat. Ainsi, chaque nouveau primordium serait obligé de se former le plus loin possible des précédents. Les simulations numériques (H. Meinhardt, Max Planck Institut) ont montré qu’il est possible, dans certaines conditions, d’obtenir des hélices apparentées à celles des plantes. On a également remarqué depuis longtemps que la divergence d’or permet aux feuilles de capter la lumière solaire d’une manière excellente, en se gênant le moins possible : aucune feuille n’est exactement à la verticale d’une autre. Mais ceci est vrai pour toute divergence irrationnelle ! Ce qui est sûr, c’est que les plantes occupent l’espace de manière très efficace : il suffit d’observer, par exemple, une rosette de plantain ou de bourrache pour s’en convaincre. Puisque nous observons cette structure “fibonacique” chez les plantes, nous pouvons affirmer : a) que les conditions (génétiques, biochimiques) ont été réunies pour permettre son apparition, une fois ou plusieurs, au cours de l’évolution ; b) que la sélection naturelle l’a préservée et lui a permis d’arriver jusqu’à nous. Ce deuxième point ne nous surprend pas ; mais c’est le premier qui constitue le centre de notre étude. Dans la suite de ce travail, nous allons commencer par étudier les propriétés mathématiques des réseaux fibonaciques, c'est-à-dire des structures cylindriques ou planes à mailles régulières, dont les nombres caractéristiques (nombres de parastiques dextres et sénestres) sont des nombres successifs de la suite de Fibonacci. Nous nous intéresserons tout particulièrement aux modes de transformation de ces réseaux, et nous verrons comment un réseau fibonacique peut engendrer d'autres réseaux ayant des nombres caractéristiques différents. Ensuite, nous chercherons à décrypter les mécanismes physiques ou chimiques qui sont susceptibles de générer de telles sructures chez les végétaux. Mais il ne s'agit pas d'un travail de biologiste : nous nous limiterons à l'aspect mathématique du problème. | |